Les laboratoires d’Aubervilliers – notes de François Verret 1993 2018-02-27T13:48:44+00:00

Notes de François Verret – 1993

 

 » Notre travail est lié à l’époque où nous vivons.
Il est lié à une conception commune de ce qu’est notre rôle dans la cité, à la conviction que l’artiste a la responsabilité d’ancrer son travail dans une réalité sociale.

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Ce n’est pas seulement dans le lieu de la représentation que nous pouvons faire passer ce dont nous sommes porteurs, mais à tout moment, là où nous travaillons, dans tous les gestes liés aux décisions que l’on prend, dans ce que l’on entend par « travail », en ré-identifiant constamment ce que c’est que le « travail« , les relations entre ceux qui travaillent ensemble,
le rapport à l’argent, au marché, aux institutions, aux inscriptions sur la scène publique (de soi, de son travail, de ce qu’on met en jeu), le rapport aux images du monde qui prétendent rendre compte du réel, le rapport à un territoire, aux territoires de toutes sortes, aux pratiques de territorialisation des uns et des autres.

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Nous ne pouvons figer la définition de notre lieu ni en construire une représentation stable en quelques mots ou phrases…
Nous pouvons simplement cerner les contours de notre travail.
LES LABORATOIRES D’AUBERVILLIERS SONT UN LIEU EN DEVENIR. »

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« C’est le besoin d’agir face à ce qui traverse la vie sociale qui m’a poussé à ouvrir un lieu dans cette ville…et à y rassembler une équipe

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Quand un lieu a une raison d’être à l’époque industrielle et qu’il se trouve vacant, il revient peut-être à ceux qui vivent dans les villes d’en réinventer l’usage.
Ici, à Aubervilliers, une ancienne usine en plein cœur de la ville peut répondre à certains besoins de la population et réveiller des formes d’exercice de la citoyenneté. »

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 » Notre travail consiste chaque jour à façonner, sculpter l’atmosphère du lieu…à y réveiller des formes de convivialité… Nous y avons posé un principe de gratuité à partir duquel nous proposons un accès simple et direct à différentes formes d’expériences sensibles et à la transmission de connaissances, notamment à travers des ateliers d’expression artistique et critique.

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Nous y inventons et ré-inventons inlassablement des formes de rencontres avec les autres. »

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« Notre travail participe modestement, rigoureusement, au seul chantier qui importe aujourd’hui
LA RECONSTRUCTION DE L’ESPACE PUBLIC.

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L’espace public, c’est l’espace qui vérifie sans cesse qu’il est possible d’inventer le « comment vivre ensemble » et qui se trouve les moyens de ré-inventer à tout moment cette possibilité parce que ceux qui habitent cet espace en éprouvent une profonde nécessité et non pas seulement « une obligation morale. »

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« Notre lieu s’ouvre aux allées et venues des gens qui ne savent pas très bien ce qu’ils cherchent, qui attendent simplement que se rouvre un « champ de possibles » à traverser pour eux

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Nous nous rendons disponibles à questionner le réel avec eux…
Donner à comprendre au sein de la réalité confuse.
Donner à douter quant à la représentation de cette réalité, c’est un travail de dé-conditionnement : faire passer qu’entre soi, profondément soi, et le réel, il y a la médiation d’une grille (apprise et intériorisée) qui détermine notre regard, la nature de notre prise sur le réel et qui fige dans un habitus notre rapport aux choses et aux êtres.

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Face à ce terrible mouvement de fabrication de consensus dans « l’opinion publique », faire que se déploie en acte une « exploration permanente de l’espace du doute », doute notamment quant à la pertinence des représentations qui nous peuplent, qui opèrent dans les esprits et viennent faire écran, opacifier, brouiller notre regard sur le réel, alimenter des interprétations, organiser la confusion… »

[…]

« Le lieu se prête à l’invention d’espaces scénographiques singuliers, à la construction de configurations plus ou moins « expérimentales » qui n’ont pas pour vocation première d’être commercialisées.
Lieu de fabrique et non lieu de diffusion.
Les Laboratoires d’Aubervilliers sont le lieu d’expériences théâtrales singulières. »

[…]

« Il importe de préserver des plages de temps pour inventer en commun, hors production, c’est-à-dire sans dépendre d’une configuration économique (même si c’est un peu relatif).
Préserver des temps de recherche où l’on s’autorise à créer simplement pour voir…et non pas pour vendre…
Faire des essais.
Travailler sans être assujetti aux obligations du marché, aux « impératifs des machines de communication ».
Ouvrir des chantiers où ce qui s’offre au regard du « visiteur », c’est une choses en cours de construction dans le temps présent avec des artisans, des artistes, des citoyens en acte de travail.

[…]

Rendre visible de temps à autre « l’art de la fabrique ».

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