2006 – SANS RETOUR 2018-02-23T09:32:18+00:00

©Christian Berthelot

Sans retour

« On pourrait dire de manière enfantine qu’un plateau de théâtre est un bateau avec un capitaine, un équipage, que c’est une petite humanité qui s’embarque dans une aventure dirigée par un metteur en scène et qu’il y a toujours le risque que celui-ci se révèle être une sorte d’Achab plus ou moins dérisoire, fou monomaniaque, tyran autodestructeur…

Mais le plateau ici, c’est aussi un espace vide, blanc, subjectivement immense qui peut ne pas être narratif, ne pas être préoccupé de raconter l’histoire de Moby Dick mais plutôt d’inventer ce qui dans cette fiction a trait à notre propre histoire, à nous-mêmes.
Ce qui se joue sur scène, à travers ce récit, parlé, chanté par Ismaël, d’une chasse à la baleine blanche menée par Captain Achab et son équipage, c’est un mouvement de perte, dangereux, aveugle, qui semble parler de l’humain en général ; parler du monde dans lequel nous vivons.
Il s’agit d’une poursuite, d’une quête insatiable, sans fin, impérative, qui mène les uns et les autres à ne pas pouvoir s’arrêter, ni se satisfaire de supplétifs à cet absolu qu’ils cherchent.
Ce qui donne au Captain Achab le sentiment d’exister c’est l’exaltation et la mise en jeu des forces physiques humaines vers un but qui, escompte-t-il, serait « grandiose », fût-il un leurre. Ce qui l’habite c’est le désir de tempêtes et non pas le calme. Ce sont, de tempête en tempête, des soifs d’intensités pures parce qu’elles sont le lieu d’un plaisir, d’un vertige.
Le plateau est le lieu où sont visibles les forces intérieures et extérieures qui secouent, malmènent, déséquilibrent des êtres embarqués dans une chasse sans retour, soumis à des peurs, à des désirs irrationnels, contradictoires et aux violences atmosphériques du monde dans lequel ils vivent.
Ce qu’ils cherchent à atteindre si obstinément c’est la baleine blanche.
La baleine blanche c’est bien sûr une métaphore, c’est une passion, c’est l’autre, c’est un impossible, c’est une vérité, ce sont toutes les forces du mal, c’est une œuvre d’art, c’est une utopie… bref c’est ce que chacun veut y mettre.
Ce qui importe, c’est de la traquer, c’est de la saisir, de la posséder, de la dompter, de la capter, de la tuer symboliquement au risque qu’elle vous tue…La question est : qu’est ce qui se joue entre le chasseur et la proie ?
Par glissement à l’échelle de notre vie intime, qu’en est-il du jeu dangereux et en partie aveugle qui pousse l’un et l’autre dans une bataille dont l’enjeu est obscur mais vital ?
Jusqu’où suivre quelqu’un ?
Pourquoi ?
Et si l’autre est fou, comment faire ?
Et à l’échelle du politique où la soif d’absolu, le vouloir dominer, le phantasme de puissance sont si omniprésents, peut-on mettre en scène la faillite de cette foi en l’absolu que drainent encore aujourd’hui des idéologies de toutes sortes ? »
François Verret

Distribution
Mise en scène : François Verret d’après des textes extraits de The fiery Hunt (La Chasse ardente) de Charles Olson, poète américain (1910-1970) inspiré par la lecture de Moby Dick d’Herman Melville
Avec la collaboration artistique de : Sylvie Blum
Avec : Mathurin Bolze, Mitia Fedotenko, Marta Izquierdo Munoz, Dimitri Jourde, Angela Laurier, Dorothée Munyaneza, Line Tormoen (rôle repris en 2008 par Alexandra Gilbert puis Chiharu Mamiya)
Coordination générale : Marion Piry
Conception du dispositif lumières : Christian Dubet
Écriture lumière : François Verret
Régie lumière : Gwendal Malard
Partition sonore : Alain Mahé
Conception dispositif son et enregistrements : Céline Seignez, Alain Mahé
Régie son : Céline Seignez
Stagiaire son : Géraldine Foucault
Costumes : Tifenn Morvan
Confection : Tifenn Morvan, Martine Philippe
Stagiaires costumes : Gehane Sevellec, Laure Fonvieille
Construction et régie plateau : Vincent Gadras, Stéphane Potiron
Renforts régie : Vincent Gadras, Karl-Emmanuel Le Bras, Matthieu Houlet
Production déléguée : Théâtre National de Bretagne, Rennes
Remerciements : Jean-Marc Ogier, Jacques Gandemer, Nolwenn Goupil, Goury, Cécile Kretschmar, Zouzou Leyens, Maurice Salem et au personnel du T.N.B.

Durée : 50 minutes

Coproduction : Festival d’Avignon ; Théâtre de la Ville, Paris ; Opéra de Lille ; L’apostrophe Scène Nationale, Cergy Pontoise

Article de presse Sans retour par Gwénola David

Entretien autour de Sans retour par Irène Filiberti